Caroline humecte ses lèvres et promène son regard parmi les convives comme un long plan séquence de cinéma. La musique du Caretaker joue en arrière-plan. Sa grande soeur Josiane se tient droite et lisse ses cheveux. Elle s’est cachée dans les toilettes pour avaler ses antidépresseurs. Caroline a déjà aperçu le flacon dans la pharmacie chez sa soeur. Caroline se rappelle cette soirée où Josiane lui a fait comprendre qu’elle aussi aimait chanter, mais qu’elle avait priorisé ses enfants, elle. Caroline admire les tons de rouge, orangé et vert qu’elle a agencés avec les plats sur la table et dans la décoration. Les lumières scintillent dans le sapin et sur les boiseries. Jean-Paul, assis près de l’arbre, a déjà trop bu. Bientôt, tous les garçons de la maisonnée feront des pirouettes pour éviter de se trouver coincés en sa compagnie. Tout le monde est bien habillé et maquillé. Tous lui ont dit qu’elle devrait faire une croix sur sa carrière de chanteuse, que ce n’est pas une vie pour un enfant. Caroline avale une gorgée de vin chaud et sourit en voyant son fils. Elle ressent de la fierté. Depuis l’automne, il porte une tête de loup. Cela a commencé par un jeu dans la forêt. Et puis les jours ont passé. Cela est devenu une habitude, une obsession. Il l’a même portée pour la photo d’école. Il suit son instinct, son petit loup solitaire. Il ne se laisse pas enfermer par les conventions. Il répond à son appel. Elle sourit, sourit, sourit. Son bonheur déborde et la transporte au-dessus d’eux tous. Ils l’ont tous félicitée pour sa prestation à la télévision. Maintenant qu’elle est connue, ils disent à tous leurs amis qu’elle est leur soeur, leur tante, leur cousine. Mais tranquillement, elle remarque les yeux en biais, les regards fuyants, les chuchotements, le malaise, le jugement. Elle comprend qu’ils parlent d’elle, tous. Ils couvrent son enfant de leurs bras, comme s’ils cherchaient à le protéger. Elle n’entend plus que des bruits confus. Elle ressent un grand vertige, ses bras se tendent, mais son tiloup semble si loin, si loin. Elle finit par le rejoindre et ils dansent sur la musique ballroom, insouciants des gens autour. Ils resteront indifférents. Partout à la fin des temps.
Semaine 2
Du solstice à l'équinoxe - De mots et de couleurs Signet techniques mixtes et microfiction Mix media bookmark and microfiction
©Cynthia Lisa Dubé, 2021.
Comentarios