Ironique que je sois devenu un amateur d’épouvante, d’horreur, de tout ce qui peut faire peur, car étant jeune, j’avais peur de mon ombre. Vers l’âge de six ans, j’ai eu un nombre incalculable de terreurs nocturnes. J’ai dû dormir les lumières allumées, mes frères et ma sœur évitaient d’écouter quoi que ce soit à la télé qui aurait pu me faire sursauter, etc. Puis, avec les années, mais surtout avec mon envie de raconter de toutes sortes de façons (cinéma, théâtre, livre) et éventuellement, avec mes connaissances sur la structure dramatique, sur les mécaniques narratives, je me suis trouvé une passion : jouer avec la perception du public. Mais mon envie de faire peur, je la garde pour ceux qui ont vraiment envie de trembler, rien ne m’enrage plus que ceux qui s’amusent à terroriser les gens trop sensibles.
Qu’est-ce qui a pu m’inciter à écrire « La maison des vergers »? Ma première motivation est probablement la nostalgie que j’éprouve pour mes 10 années dans le mouvement scout. Des enfants ou des adolescents ensemble en camping, ça fait quoi? Ça se raconte des peurs. Et à ce propos, ma carrière de scout a débuté sur des chapeaux de roues… de Ford Maverick1! Je m’explique…
Je suis natif de Saint-Hyacinthe et j’étais dans le groupe scout et guide 1ère Cathédrale. Mon premier camp, un camp de printemps, s’est déroulé non loin de ma ville, au Manoir de Upton, lieu de l’actuel Théâtre de la dame de cœur. À l’époque, il n’y avait qu’une maison de taille moyenne entourée d’une petite rivière à l’arrière, des champs agricoles de chaque côté et deux ou trois cabanons. Étrangement, « La Maison des vergers » ressemble un peu à ce manoir en question. Me voilà donc, du haut de mes neuf ans à faire mon premier camp dans ce lieu qui, le soir venu, pouvait avoir l’air lugubre. Le camp servait surtout à ce que nous fassions notre « promesse scout ». Une des phrases que nous avions à prononcer était de venir en aide à un ami. Cet élément est important, car nous aurons à mettre à l’épreuve cette forme de générosité… à la puissance 1 000!
Le samedi, en pleine nuit, les animateurs nous réveillent pour jouer. Après quelques minutes, on se rend compte qu’il manque un jeune, qui est le plus vieux d’entre nous. Où est-il? Il n’est visiblement pas dans le manoir. On doit donc tous aller chercher nos lampes de poche et sortir en pleine nuit pour le chercher. Déjà, l’ambiance festive baisse d’un cran. On va devoir marcher assez longtemps (pour l’enfant de neuf ans que je suis). Nous nous sommes rendu jusqu’à une vieille grange dans laquelle nous ne voulions pas entrer. Un des animateurs a remarqué les lumières de la maison s’allumer, ils ont donc pensé que le jeune était rentré. Demi-tour, nous sommes retournés au manoir. En entrant dans le bâtiment, nous sommes tout de suite montés au deuxième étage (où les chambres étaient) pour nous rendre compte que tous les bagages avaient été empilés avec, sur les murs et un peu partout, des croix renversées sur lesquelles on pouvait lire le mot : « Cooper! »
Normalement, c’est assez pour « donner la chienne » à des jeunes de huit, neuf, dix ans. Malgré tout, la nuit n’en est qu’à ses débuts, car, dans tout ce bordel de sac de couchages et de vêtements, nous ne trouvons pas notre comparse. On ressort donc du bâtiment et cherchons à côté des cabanons. Un des jeunes scouts donne un coup de pied à ce qui semble un sac à ordures. Mystérieusement, le sac à déchets se lève. Ce que le jeune garçon voyait comme quelque chose de totalement innocent se révèle être un homme d’à peu près six pieds (un mètre quatre-vingt-deux en grandeur d’aujourd’hui… à l’époque, on était encore en système impérial), il a un maquillage qui fait peur, il tient notre compagnon d’un bras et dans l’autre main, il tient une carabine.
L’individu se met à crier : « Tout le monde à terre! » Je crois que, jamais dans l’histoire de l’humanité, 23 culottes courtes ne se sont jetées par terre aussi vite. Je me souviens que ce que je voyais comme un ogre est passé à côté de moi. Je me rappelle vaguement avoir laissé échapper, dans un souffle mêlé à du sanglot : « Ne nous faites pas mal, monsieur » (non, mais le fun qu’on peut avoir dans un camp scout…). À ce moment, on entend une voiture au pot d’échappement modifié (hé oui, dans le temps aussi, il y avait des fatigants qui aimaient emmerder le monde avec leurs bagnoles bruyantes), une Ford Maverick (question de pousser l’injure à l’atrocité) entre en trombe dans le stationnement. Un animateur crie : « Tout le monde dessus. » On se lève tous en criant notre cri de guerre pas du tout effrayant. Le salaud laisse aller notre ami et tire dans les airs. C’était, je crois, une carabine à plomb, mais, dans mes oreilles de neuf ans, ça sonnait comme une «Grosse Bertha»!2 Les culottes courtes se rejettent par terre. Le monstre monte rapidement dans la Maverick et la voiture s’enfuit rapidement. A-t-on dormi le reste de la nuit? Pas du tout. Ironiquement dans ma petite tête de cartésien à temps partiel, je n’arrive pas à comprendre pourquoi un adulte maquillé en démon veut enlever un jeune scout en laissant des croix en bois et pourquoi s’enfuir grâce à un complice qui conduit une Ford Maverick?
Qu’est-il arrivé après? Les animateurs ne sont pas revenus pour une autre année. Il faut dire que les parents n’ont peut-être pas aimé demander à leurs enfants : « Pis, comment c’était ton camp? » Et se faire répondre : « Y a un maniaque armé et maquillé qui a enlevé un des scouts, mais il l’a laissé aller pis y a tiré en l’air quand une Ford Maverick est arrivée! » Et les parents de rétorquer : « Quoi? Mais ç’a pas d’allure! Pis en plus, y avait une Ford Maverick! »
Ce camp et cette anecdote sont devenus légendaires. D’ailleurs, une dizaine d’années plus tard, alors que je suis en fin de semaine de formation pour être animateur, un des stagiaires demande s’il y a des règles en ce qui concerne les jeux de soirs ou de nuit, peut-on leur foutre la trouille? Et les animateurs nous ont énuméré les règles établies depuis ce fameux camp, raconté par les animateurs. La plupart des stagiaires ne pouvaient pas croire qu’un tel « tour » ait pu être fait. L’ayant vécu, j’ai corroboré les faits.
Mais qui était ce sinistre individu? Deux ans après l’incident, alors que je marchais dans la rue, je vois deux des animateurs de l’époque qui formaient un couple, sur le balcon de leur maison. Ils me parlent et me présentent l’homme qui est avec eux, un cousin qui est venu les voir. Je regarde son visage et il me semble reconnaître ce regard. Il a un gros front et de petits yeux reculés. Je reconnais aussi cette coupe de cheveux. Je baisse les yeux et le type porte un t-shirt de son chanteur préféré : Alice Cooper, qui porte le même maquillage que l’ignoble personnage qui nous a tant terrorisés. Voyant que mes yeux font l’aller-retour entre ses yeux et son t-shirt, le cousin fait un léger sourire gêné. C’était lui!
J’ai toujours voulu raconter une histoire de camp épeurant, mais qui lorgnerait plus du côté du surnaturel. Voici donc mon humble effort. Je me suis même permis de reprendre quelques éléments du camp qui m’a tant terrorisé…
Bonne lecture.
Mario Chabot
Tout à fait par hasard, Marc, intervenant dans un centre jeunesse, voit une maison abandonnée dans un verger qui lui semble parfait pour faire un camp thématique pour assouvir les envies de sensations fortes des adolescents dont il a la responsabilité. Ce qu'il ne sait pas, c'est que cette maison pourrait bien être véritablement hantée, car il s'y est produit des événements horribles et sanglants.
1 - La Ford Maverick était une voiture compacte américaine produite de 1970 à 1977 et, par la suite, produite pour le marché brésilien jusqu’en 1980. Sa mission première était de compétitionner les compactes japonaises et européennes. Mais elle existait aussi avec une motorisation plus sportive pour en faire un mini « muscle car ».
2 - La Grosse Bertha est un énorme canon allemand utilisé durant la Première Guerre mondiale. Il reposait sur un wagon de train et tirait des obus de 420 mm de diamètre.
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